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C’est moi qui ai la plus grosse (ferme urbaine) !

En communication et en marketing, c’est toujours bien d’être le premier ou le plus grand. C’est aussi valable pour les fermes urbaines. De gros chiffres et de belles formules marketing promettent des expériences agri-urbaines merveilleuses !

Ces derniers mois, j’ai encore vu passer des gros titres rediffusés sur tous les réseaux de ce type :

Une ferme urbaine de 14 000 m², la plus grande d’Europe, ouvrira à Paris en 2020

Le projet se veut ambitieux : mille fruits et légumes sont attendus chaque jour en « haute saison », soit environ 200 tonnes par an.

Le Monde, 13/08/2019, campagnesetenvironnement.fr, 02/01/2020

Paris : le toit de Parc Expo va accueillir une méga ferme urbaine

Une vingtaine de maraîchers produiront plus de 1 000 fruits et légumes d’une trentaine d’espèces par jour. La ferme offrira aussi de nombreux services : location de potagers, visites pédagogiques, ateliers pour les entreprises.

Sciences et Vie, 23/06/2019

La plus grande serre urbaine d’Europe va pousser à Colombes

Des choux, des fraises, de la ciboulette mais aussi des truites et de l’algue spiruline au bord de l’autoroute A86. C’est l’ambitieux pari de la plus grande ferme urbaine d’Europe qui sera construite d’ici à 2021 à Colombes.

Le Parisien, 26/06/2019

Le plus grand toit en ferme urbaine d’Asie est à Bangkok

Une ferme urbaine de 7 000 m² est construite sur le toit de l’Université Thammasat de la vaste métropole de béton de Bangkok, en Thaïlande.

lepetitjournal.com, 11/12/2019, 7sur7.be, 28/12/2019

LUFA, la plus grande serre sur toit au monde

D’une superficie de 163 000 pi2 (1.5ha), cette nouvelle serre est plus grande que les trois autres serres (Anjou, Ahuntsic et Laval) de l’entreprise réunies.

lapresse.ca, 21/11/2019, www.laterre.ca, 06/12/2019

Cette agriculture urbaine capitaliste est aujourd’hui un outil de marketing pour les villes et un sujet rassembleur pour une certaine partie de la population urbaine en quête de sens. Il faut donc vendre la plus belle expérience client, les plus grandes quantités produites, le nombre d’emplois créés (si c’est en insertion, c’est encore mieux).

Mais derrière ces chiffres et cette communication éphémère, on oublie souvent le projet, le pari entrepreneurial de cette ferme ? Souvent lancées par des concours urbains, le projet est parfois limité à un business plan et à de belles perspectives, mais on accède rarement au fond du sujet.

L’agriculture urbaine, victime des concours d’urbanisme ?

Pour une jeune pousse de l’agriculture urbaine ou pour une entreprise implantée qui lance des projets agri-urbains, les concours d’urbanismes et d’architectures sont des tremplins alléchants. Pour répondre à un cahier des charges ou pour se différencier des concurrents, les promoteurs immobiliers cherchent à intégrer l’agriculture urbaine, la végétalisation (mais aussi toutes sortes d’innovations techniques ou sociales).

Le projet agri-urbain se perd souvent au milieu des contraintes architecturales. Le porteur de projet doit s’intégrer dans des process complexes et défendre sa place au milieu de nombreux autres acteurs avec des délais de réflexions courts. Il manque souvent de visibilité sur les suites, de temps pour creuser le projet.

Comment faire quand on est une jeune entreprise pour s’inscrire dans un projet qui se concrétisera dans 3, 5, 8 ans ? Comment gérer ces temps longs, la montée en puissance, la trésorerie ?

Le principal risque, c’est de s’engager sur un projet ambitieux, qui ne fonctionne que sur un tableur Excel.

L’appel à projets Parisculteurs en est un bon exemple : des projets sexy sur le papier, des rendements excessifs annoncés et validés par le jury « expert » Parisculteurs. Et au final, beaucoup de projets se sont effondrés rapidement après l’inauguration en grande pompe.

Une grande surface, c’est bien, mais ça fait pas tout !

La surface disponible pour l’agriculture est souvent très réduite en ville. Quelques centaines de m2, parfois 1000 ou 2000 m2. Mais rares sont les projets qui développent réellement une surface importante (en comparaison avec l’agriculture traditionnelle). C’est donc une super opportunité d’avoir des sites de 14000 m2 comme à Paris.

Et pour autant, il faut pouvoir les gérer :

  • Grandes surfaces = productions importantes à vendre localement. Parfois nécessaire de passer par des circuits avec intermédiaires si trop de volume pour la vente directe.
  • Besoins de main-d’oeuvre importante en saison
  • Besoin d’une logistique et du stockage adapté dans certains cas.
  • Besoin d’une trésorerie importante

Tout le monde n’est pas en mesure se lancer dans un projet d’une telle ampleur. Et ça peut même être dangereux pour certaines jeunes entreprises.

Mais si vous avez les reins solides, que vous avez des partenaires financiers et techniques sérieux et que c’est cohérent avec votre plan de développement stratégique, foncez !

Etre le premier n’est pas forcément un avantage

Deux exemples pour illustrer ça :

  • Urban Farmers :
    • parmi les premiers à faire de l’hydroponie et de l’aquaponie en milieu urbain, en Suisse puis aux Pays-Bas. Très grande technicité, très professionnels.
    • De nombreux projets en attente, des fermes innovantes en conception
    • En 2019, ils font faillite suite à de mauvais choix stratégiques, commerciaux et d’investissements.
    • Ils ont essuyé les plâtres d’une nouvelle filière à l’échelle européenne…
  • Toit Tout Vert :
    • Parmi les premiers aux début des années 2010 à vouloir installer une serre en toiture sur un bâtiment industriel à Paris.
    • D’écueils techniques en problèmes réglementaires, en passant par l’opposition des riverains, … ils n’ont pas (encore ?) réussi à monter leur serre dans Paris, au bout de 7 ans de travail.
    • Là encore, ils ont ouvert la voie à de nombreux projets mais ont rencontrés tous les problèmes techniques et administratifs possibles dans une filière en devenir.

On apprend des erreurs et de l’expérience des autres sauf quand on est le premier !

On me pose souvent la question de la taille minimale de viabilité pour une serre urbaine. Et à l’inverse, c’est quoi votre taille maximum de projet admissible ?

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