Serre Urbaine Urban Farmers

La fin de la bulle des serres urbaines ?

L’agriculture urbaine est connue par deux types de projets, qui traduisent deux réalités très différentes. D’un côté, l’agriculture urbaine participative, plus proche du jardinage ou de l’autoproduction, avec les jardins partagés, l’agriculture sociale, les incroyables comestibles. De l’autre côté, l’agriculture technologique, qui nécessite de gros investissements, avec les serres urbaines, les fermes verticales, la culture indoor.

La dynamique des projets de serres urbaines traduit bien, à mon sens, la dynamique plus générale de l’agriculture urbaine cette dernière décennie.

Pourquoi des serres en ville ?

On a vu se multiplier les projets de serres en villes, principalement sur toiture ces dernières années. Mais pourquoi cet engouement ? Que le projet agricole soit orienté vers la production ou vers les services, la serre est une solution technique adaptée dans de nombreuses situations.

La Fabrique Agricole, projet emblématique porté par SOA Arhitectes pour le concours Réinventer Paris (non lauréat). La serre urbaine accueil de la production, du commerce et des services sur plusieurs étages.
La Fabrique Agricole, projet emblématique porté par SOA Arhitectes pour le concours Réinventer Paris (non lauréat). La serre urbaine accueil de la production, du commerce et des services sur plusieurs étages.

Une serre pour augmenter les volumes produits et donc le chiffre d’affaire

Le grand défi de la plupart des fermes urbaines, c’est de développer un modèle viable sur une petite surface. Les surfaces disponibles, au sol comme en toiture sont peu nombreuses et souvent de petite taille (quelques centaines de m2). Comparé à la surface minimale d’installation des systèmes maraîchers, c’est tout petit et ça ne permet pas d’être rentable dans le référentiel de l’agriculture classique.

En plus de la surface restreinte, les charges (les coûts de fonctionnement) sont plus élevées : salaires plus élevés, loyers, consommables, équipements, investissements. La situation intra-urbaine, les contraintes d’accès au site et la petite taille ne permettent pas d’économies d’échelles. Il faut donc un chiffre d’affaires d’autant plus élévé sur cette petite surface que les charges sont importantes.

Avec un climat plus homogène et des températures contrôlées tout au long de l’année, la serre répond à ces enjeux.

  • la production peut se faire toute l’année, même en hiver.
  • les rendements sont plus élevés sous serre grâce au climat contrôlé.

Autre avantage, la gestion de la main d’oeuvre est facilitée : l’activité est lissée toute au long de l’année, ce qui permet d’avoir des équipes compétentes toute l’année. Ce qui évite de baser toute le modèle sur la loterie des employés saisonniers

Une serre pour sécuriser le modèle économique en production

Avec un climat contrôlé (température, hygrométrie, ventilation), la serre offre les meilleures conditions pour la croissance des plantes. Les rendements y sont plus élevés, mais aussi plus sûrs. Les cultures sont moins vulnérables aux aléas climatiques. Elles le sont aussi moins aux problèmes sanitaires (maladies, insectes ravageurs, …) car on maîtrise mieux les conditions environnementales et donc leur développement.

Investir dans une serre urbaine, c’est en quelque sorte investir dans une assurance, une garantie de rendement. C’est sécurisant pour le producteur et pour les investisseurs. Mais c’est aussi sécurisant pour les clients et les partenaires qui ont plus de chance d’avoir les produits qu’ils commandent.

En effet, dans les fermes traditionnelles en plein champ, les producteurs peuvent prévoir de cultiver plus de surface que nécessaire par rapport aux prévisions de vente, pour être sûrs d’avoir les volumes nécessaires. Dans les fermes en villes, la surface est limitée et toute surproduction coûte plus cher. La serre permet une culture au plus près des besoins.

Une serre pour sécuriser un modèle économique de services comme l’évènementiel

L’agriculture urbaine, ce n’est pas que de la production de fruits et légumes. Ce sont aussi des services : pédagogie, éducation, accueil d’évènements, location d’espace, restauration

Les aléas climatiques peuvent aussi impacter ces activités : les évènements peuvent être annulés ou demander une réorganisation de dernière minute en cas d’intempéries. La planification des activités en amont est donc beaucoup plus complexe dans ce contexte.

La serre comme lieu d’accueil fermé, salle de réception, salle d’exposition sécurise l’activité de service. A condition bien sûr qu’elle soit adaptée aux conditions réglementaires pour l’accueil du public visé.


La mode des serres agricoles en ville

Ces dernières années, les projets de serres en ville se sont multipliés, pour la plus grande joie de certains constructeurs spécialisés (comme l’entreprise CMF, qui accompagne aujourd’hui la plupart des projets de serres urbaines en France)

Les serres urbaines, figures imposées pour les concours d’urbanisme qui demandent de l’agriculture urbaine

L’agriculture urbaine est souvent un aspect majeur de la communication des grands concours de renouvellement urbain comme Parisculteurs, Réinventer Paris, Imagine Angers, Inventons la Métropôle du Grand Paris, … Les promoteurs et les investisseurs de ces programmes doivent intérêt une composante d’agriculture urbaine, avec plus ou moins de conviction selon leur sensibilité. Mais dans tous les cas, cette proposition d’agriculture urbaine doit s’inscrire dans un budget global du projet, des usages et une identité cohérente.

Et c’est là que ça se complique. Concevoir un projet agricole pour un quartier qui verra le jour dans 5 à 15 ans est assez compliqué étant donné les changements de modèles de production et d’alimentation en cours. Les associations de quartier peuvent rarement s’engager sur des pas de temps si long, de même pour les petits agriculteurs. Restent les start-ups (les jeunes pousses !) et les entreprises agricoles ou paysagères de grande taille, en mesure de s’inscrire dans la durée pour accompagner ces projets.

Le projet d’agriculture urbaine rejoint souvent les 2 extrêmes cités en début d’article.

  • Soit un projet simple, participatif, souvent dans des zones contraintes du projet (pied d’immeuble à l’ombre, zone de servitude inconstructible, …).
  • Soit un projet de grande taille et coûteux impliquant une serre-phare qui devient un marqueur architectural fort du projet.

Un objet architectural, pas toujours compatible avec un projet agricole

Les architectes conçoivent alors la serre en écho aux lignes du bâtiment. On devrait plutôt parler de verrière, car ces projets sont rarement des serres au sens opérationnel. Une serre agricole ou horticole est un milieu de culture conçu, dans ses dimensions, ses matériaux, son orientation, ses équipements en fonction des cultures et des modes de cultures qui y seront pratiqués. Une serre est d’abord un outil de travail avant d’être un objet architectural.

Mais pour les architectes et pour les promoteurs, l’agriculture urbaine se doit d’être visible, exposée, évidente sur les images du concours pour séduire le jury qui sélectionne les projets. Il faut donc des serres monumentales qui traduisent la volonté de pionnier des collectivités qui lancent ces concours. Et cela même si ça impose des contraintes techniques très fortes au future exploitant.

On se retrouve donc souvent avec des serres mal orientées, sur plusieurs étages, toutes en longueur, ou de tailles incohérentes avec le projet agricole. S’en suit un travail de co-conception avec les architectes et les concepteurs de serres pour tenter d’adapter les caractéristiques de la verrière pour se rapprocher d’une serre.

Tout cela induit des surcoûts importants pour le projet. Des surcoûts de construction d’une part, car les serres sont sur-mesure et ne rentrent dans aucun standard agricole. Des surcoûts d’exploitation d’autre part, car l’exploitant doit s’adapter à un outil de travail qui n’est pas optimisé pour son activité. En effet, c’est le plus souvent (mais pas tout le temps, comme on le voit plus bas) l’agriculteur urbain qui s’adapte à l’outil que l’inverse. Pour la simple raison que c’est rarement le producteur qui paye la serre car elle est hors de prix pour lui

Le modèle économique de ces serres-emblèmes

Les serres urbaines emblèmes sont intégrées à un ensemble architectural, dans un futur immeuble / quartier / îlot construit de toute pièce par le lauréat du concours d’urbanisme. Le budget de ces projets se chiffre en dizaines voire centaines de millions d’euros, depuis la démolition de l’existant jusqu’à la plantation des espaces verts une fois le quartier construit.

La serre urbaine en elle-même représente un coût démesuré pour le producteur : plusieurs centaines de milliers d’euros pour quelques centaines de mètres carrés. Mais ce coût est minime pour le promoteur à l’échelle du projet, si la serre urbaine est une des conditions pour être lauréat du concours et se voir attribuer le marché. Le coût peut aussi être porté par les autres utilisateurs / investisseurs du quartier si la serre donne une valeur nouvelle au projet, si elle valorise leurs biens.

Ainsi, c’est souvent le promoteur qui paye la serre et ce qui va avec (accès, sécurisation, équipements, fluides). Le producteur intervient au service du projet, selon des conditions qui sont définies en fonction du site et de la négociation entre les acteurs du projet

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