« Le conseil stratégique aux agriculteurs : outils, pratiques et perspectives » par le Ministère de l’Agriculture (CEP)
Une note de synthèse du Ministère de l’agriculture via son Centre d’Etudes et Prospectives propose un tour d’Horizon des outils et méthodes proposé depuis 20 ans, basés sur une soixantaine d’entretiens réalisés en 2018.
Résumé des points importants de la note ! Pour le doc original, c’est ICI :
Pourquoi du conseil stratégique aux agriculteurs
Le modèle agricole actuel atteint ses limites, sur les plans environnementaux, sociaux, économiques. Pour accompagner les transitions de modèle d’exploitation (ou pour accompagner l’installation de nouveaux agriculteurs), le conseil technique et économique classique n’est pas adapté.
Historiquement, la mise en place de fermes et modèles de références et le développement du conseil agricole sur tout le territoire a permis la modernisation industrielle de l’agriculture française.
Le contexte a changé. Objectif aujourd’hui : mettre en place une agriculture plus écologique (et aussi attirer des nouveaux exploitants). Le conseil stratégique se développe depuis une vingtaine d’années, mais il reste encore peu développé dans les organismes de développement agricole. Il faut repenser les offres de services agricoles, par rapport aux défis actuels :
- performance globale de l’entreprise agricole
- transition vers l’agro-écologie
- conseil indépendant de la vente de produits, notamment phytos
Le conseil actuel segmenté par discipline
La recherche et le conseil sont le plus souvent segmentés par thématiques précises : agronomique, juridique, social, économique… Comme dans la médecine conventionnelle, on a une approche « un problème, une solution standard » 1.
Ce principe est exacerbé dans les entreprises qui vendent des produits phyto, où le conseil sert à vendre le produit (ou du moins les conseils sont orientées vers les produits / solutions en catalogue).
Le conseil stratégique
Si le conseil global a toujours existé, l’approche se développe depuis les années 2000, s’inspirant du conseil stratégique dans d’autres secteurs et du coaching dans le domaine personnel ou professionnel. On est dans l’aide à la décision. On ne décide pas à la place du chef d’entreprise, mais on lui donne les moyens d’intégrer au mieux la complexité et les incertitudes de son système pour décider.
En 2010, 69% des exploitations étaient des exploitations unipersonnelles (Grandjean et al., 2016). Les agriculteurs assurent aussi bien la gestion de l’entreprise que la réalisation des tâches quotidiennes. Le producteur décide souvent seul de la séquence des opérations et de leur mise en oeuvre pour atteindre ses objectifs en se fondant sur sa connaissance empirique de l’environnement (Garcia et al., 2005). Cela implique une interconnexion des niveaux de décisions, sur différentes échelles spatiales et temporelles (Le Gal et al., 2011; Jang et Klein, 2011).
Les caractéristiques principales du conseil stratégique aux agriculteurs :
- conseil à l’échelle de l’exploitation
- processus de conception/réflexion participatif
- optimisation de l’affectation des ressources, notamment le travail
Charles-Antoine Gagneur et Olivier Thiery proposent dans la note du Ministère la classification suivante :
Les deux approches ne sont pas à opposer, mais à équilibrer. Elles sont complémentaires et interviennent à différents moments de la vie du projet, et notamment au moment des grandes décisions. Le conseil stratégique gagnerait à être plus présent sur les exploitations.
Une multitude d’outils peu utilisés
Les auteurs recensent les outils et les méthodes de conseil stratégique en 2018 en France.
Mais malgré le grand nombre d’outils recensés, ils sont globalement peu utilisés. Parmi les raisons proposées :
- ces outils et ces méthodes demandent du temps de formation et de préparation en amont du conseil stratégique lui-même. Ce temps n’est que rarement pris dans les structures de conseil qui n’ont pas un back-office développé. (ça explique, selon les auteurs, que le conseil stratégique est mieux développé dans les structures nationales type CerFrance, avec back-office et groupes d’échanges entre pairs).
- Les compétences et la formation des conseillers est aussi en cause. Ils sont formés sur des thématiques spécifiques, et peuvent manquer d’une vision stratégique, systémique et entrepreneuriale globale de l’entreprise. Les compétences nécessaires sont très large !
- Enfin, le conseil stratégique peut dépasser le mandat politique de certaines structures d’accompagnement agricole qui n’arrivent pas à consacrer assez de temps à formaliser une offre.
Mais ça bouge ! Par exemple, récemment, la Chambre d’Agriculture des Pays de la Loire a fait évoluer des conseillers techniques en coach !
On en conclut quoi ?
Cette note rejoint les conclusions de papiers que j’avais étudiés dans ma thèse. Définir un programme d’accompagnement stratégique est un vrai challenge, et ça ne rencontre pas forcément son public. En agriculture surtout, les décisions sont depuis longtemps guidées par les réglementations (nombreuses), les innovations techniques, la fiscalité spécifique, l’organisation globale de filières. Les agriculteurs peuvent se retrouver complètement intégrés dans un système, avec peu de marges de manœuvre. Le conseil agricole a le rôle donner des réponses techniques à des questions précises.
Le conseil stratégique aux agriculteurs change la relation, la posture entre le conseiller et le producteur. Ça peut être une relation plus d’égal à égal, proche des discussions entre pairs.
C’est particulièrement intéressant à l’heure où les modèles agricoles sont en transformation massive avec des défis majeurs ! Il faudrait sans doute aussi faire du conseil stratégique aux conseillers pour les accompagner dans cette transition !
1 Approche « paquets techniques » qui amène parfois l’exploitant à adapter son exploitation aux techniques et non l’inverse (Spéciale dédicace à Marc Dufumier !)
Pour aller plus loin :