La fin de la bulle des serres urbaines ? (suite et fin)
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Les limites et les faiblesses des serres en ville
Les projets de serres urbaines commencent à peine à émerger après des années de concours et de projets sans suite. A noter que Paris, qui était pourtant très en avance sur les concours et sur la communication, n’est pas la ville la mieux placée pour la construction de ces serres urbaines. Une ville comme Nantes développe des projets à grande vitesse, comme les 5 Ponts. Mais les projets de serres en ville restent complexes et coûteux
La grande complexité technique et réglementaire des serres
Une serre, ce n’est pas qu’une boîte en métal et en verre avec des plantes dedans. C’est un environnement de culture contrôlé et optimisé. Et il faut faire coller ça avec de la sécurité incendie, des accès, …
De nombreuses normes s’appliquent, mais ce sont surtout des normes liées au bâtiment et à la sécurité. En effet, il y a peu de référence et de jurisprudence sur les projets de serres urbaines. Les réglementations commencent à évoluer pour intégrer les spécificités des serres, mais c’est encore complexe.
Des montants d’investissement difficilement soutenables par la production
Une serre de quelques centaines de m2 peut coûter 300 à 500 000 euros si elle est installée en toiture. Plusieurs raisons à ce coût :
- pas d’économies d’échelles : certains équipements nécessaires au fonctionnement de la serre
- un climat pas optimisé : sur de petites serres, il y a une grande surface de paroi pour un faible volume intérieur. Conséquence : beaucoup de déperditions de chaleur par les parois et une facture énergétique plus élevée que dans les grandes serres.
- un chantier plus coûteux : l’accès à un site urbain est complexe et fait exploser les coûts de chantier par rapport aux serres en plein champ.
- des surcoûts accès et sécurité : en ville, et surtout en toiture, les serres doivent être renforcées pour résister au feu et au vent, pour diminuer la maintenance et le remplacement. S’ajoutent les accès d’exploitation et de sécurité.
Urban Farmers avait investi 2,7 millions d’euros pour leur serre en toiture sur 2 étages (avec de l’aquaponie) à la Haye, aux Pays-Bas. Un investissement qu’ils n’ont jamais réussi à rentabiliser.
Dans la même veine, Plantagon, acteur de l’agriculture verticale en Suède, a fait faillite avant de prouver l’intérêt de son modèle économique.
Des serres de services évènementiels pour couvrir les coûts d’investissement
Face à des coûts de construction et d’équipement des serres urbaines qui peuvent atteindre plusieurs milliers d’euros par m2, les producteurs et les investisseurs se diversifient. La production ne rapporte pas assez pour couvrir les frais, alors ils se tournent vers de l’accueil d’évènements dans un décor agricole.
50% du chiffre d’affaires d’Urban Farmers à La Haye provenait de l’organisation de visites, de séminaires d’entreprises et autres évènements. L’évènementiel demande moins de main d’œuvre, moins d’astreinte et apporte une plus grande valeur ajoutée. Encore faut-il savoir gérer production et évènementiel !
On se retrouve souvent avec des serres transformées en grandes verrières évènementielles, avec 3 pieds de tomates qui plantent un décor champêtre. Pourtant, il existe des modèles très prometteurs de serres urbaines
L’avenir des serres urbaines : quels modèles peuvent fonctionner ?
Plusieurs modèles de serres urbaines sont prometteurs pour les années à venir, qu’ils soient déjà validés ou en émergence.
Connecter une serre en toiture et un bâtiment pour échanger chaleur et CO2
C’est tout l’enjeu d’un projet de recherche financé par l’Europe (Groof) : réduire les émissions de CO2 dans les villes en connectant les flux d’un bâtiment et d’une serre en toiture. Au delà du bilan carbone, c’est aussi de vraies énergies pour le producteur car tout ou partie de son chauffage est fourni par le bâtiment.
Développer de grandes unités de production sur des toits industriels
Des projets comme les Fermes Lufa au Canada, Gothams Greens aux Etats-Unis montrent la viabilité d’outils de production de grande taille quand ils sont construits et exploités en cohérence avec leurs marchés. En France, nous n’avons pas encore de projets à si grande échelle (sauf peut-être bientôt la ferme sur les toits du Parc des Expositions de la Porte de Versailles à Paris, mais le modèle s’annonce bien moins productif). Lufa et Gothams Greens sont des outils de production, dimensionnés et optimisés pour produire en quantité. Et tout est optimisé et travaillé en ce sens pour rentabiliser les investissements dans les serres en toiture, avec notamment une logistique efficace !
C’est toujours la question de la bonne adéquation entre le système de production et le système de commercialisation qui se pose.
A l’inverse, des petites serres low-cost pour des associations ou des particuliers
Dans le monde de l’énergie, il y a les grandes centrales photovoltaïques, et il y a les petits panneaux solaires sur les toits des maisons individuelles. Pour les serres urbaines, c’est pareil. Une multitude de petites serres urbaines, exploitées par des particuliers ou des associations pour leur propre consommation, permet de produire des grandes quantités de produits en ville.
Et ce, sans se poser la question de la rentabilité économique. C’est un projet d’autonomie alimentaire, de production vivrière. Dans ce cas, le cadre réglementaire est bien plus simple et la main d’œuvre est bénévole et motivée !
Votre projet de serre urbaine ?
Et vous ? Quel est votre projet de serre urbaine ? Pensez-vous pouvoir développer un projet d’agriculture urbaine viable sans serre ? Comment pensez-vous rentabiliser votre investissement ? Quel est votre plus gros problème, votre plus gros blocage pour faire avancer votre projet ?
Posez vos questions dans les commentaires !