Quelle rentabilité pour les fermes urbaines ?

L’agriculture urbaine ne nourrira pas les villes, mais nourrira-t-elle au moins les agriculteurs urbains ?

Il y a un consensus sur le fait que l’agriculture urbaine ne participe qu’à la marge à l’autonomie alimentaire des métropoles. Les villes et les métropoles se lancent des démarches d’approvisionnement local se focalisent sur leurs territoires périurbains et ruraux pour produire en quantité les denrées nécessaires à nourrir la population. Certaines villes de petite et moyenne tailles font exception (Albi par exemple), en mettant en place des politiques locales très fortes pour produire sur le territoire de la commune.

Même avec de faibles volumes de production, l’agriculture urbaine est un élément fort des politiques alimentaires des villes, par ses fonctions de démonstration et d’éducation à l’alimentation et de sensibilisation à l’importance d’une activité agricole sur le territoire. Or l’agriculture intra-urbaine comme péri-urbaine lutte pour être viable et se pérenniser.

Une étude sur la rentabilité des fermes urbaines aux USA

L’enquête de Carolyn Dimitri sur les fermes urbaines américaines

J’ai relu récemment un article de 2015 de Carolyn Dimitri, Lydia Oberholtzer et Andy Pressman, chercheurs aux Etats-Unis, qui traite des nouvelles initiatives agri-urbaines qui connectent les consommateurs et les producteurs urbains (Urban agriculture: connecting producers with consumers). Ils étudient les fermes urbaines à l’interface entre urbain et rural aux Etats-Unis. La pression urbaine, les prix élevés du foncier et les faibles prix des produits agricoles les poussent à changer leur modèle économique pour survivre.

Serre illustrant article sur la rentabilité des fermes urbaines (image Freepik)
Designed by brgfx / Freepik

Certes, toutes les fermes urbaines ne cherchent pas à produire et à s’inscrire dans la lignée des fermes maraîchères péri-urbaines. Certaines ont des vocations pédagogiques, environnementales, paysagères ou d’insertion de personnes isolées.

Les auteurs ont lancé une enquête en ligne auprès d’agriculteurs urbains sur les résultats de l’année 2012, sur tous les aspects de la vie de la ferme : production, vente, techniques de cultures, gestion des risques, données sur la ferme, … Ils ont obtenu 370 réponses. Les deux-tiers des fermes enquêtées mettent en avant un rôle social avant un objectif de production. Il y a beaucoup de points communs entre ces fermes, que leur but soit social ou commercial, en termes de revenus, de méthodes de production choisies, de localisation.

Les grandes conclusions de l’enquête sur les 370 fermes urbaines

Rentabilité des fermes urbaines en fonction des types de fermes, enquête de Carolyn Dimitri et al.

Leur enquête montre des résultats très intéressants sur la viabilité des fermes urbaines aux Etats-Unis :

  • 50% des 370 fermes urbaines génèrent moins de 5000 $ de chiffre d’affaires annuel.
  • Le chiffre d’affaires moyen est de 54 000 $, avec un écart-type de 114 000 $. Cela traduit des très grands écarts de revenu entre les fermes. Certaines fermes génèrent plus de 750 k$ de chiffres d’affaires, notamment les grandes fermes spécialisées dans les produits à cycle-court et à forte valeur ajoutée (par exemple Gotham Greens).
  • Les fermes en toiture ont le plus faible revenu moyen (8 125 $ par an), du fait de leur faible surface et des contraintes d’accès
  • 64% cultivent sur planches ou buttes, qui permettent de concentrer la fertilité sur les sols pauvres et de limiter l’impact de la pollution sur les sols de faible qualité auxquelles ont accès les fermes urbaines.
  • L’utilisation de serres et tunnels (41% des fermes) sécurise et augmente les rendements et permet de cibler des prix plus élevés en vendant des cultures précoces et tardives dans la saison, ce qui se traduit par un chiffre d’affaires deux fois plus important que pour les cultures sur planches en extérieur.

Cet article montre d’une part le dynamisme des fermes urbaines et leur diversité de formes, d’objectifs, de techniques aux USA. Il montre aussi la difficulté à développer un modèle économique viable par la vente des productions. J’entends par modèle économique viable la capacité à générer un chiffre d’affaires suffisant pour couvrir les charges notamment de personnel pour faire vivre durablement le projet, qu’il soit associatif ou entrepreneurial.

Les mêmes conclusions sur la rentabilité des fermes urbaines françaises

On retrouve la même tendance en France. Les projets se multiplient, à l’initiative de citoyens et d’entrepreneurs, ou sous l’impulsion des collectivités (qui lancent des concours comme Parisculteurs par exemple pour la ville de Paris). Mais peu se concrétisent et s’inscrivent dans la durée avec un budget équilibré. Sur le concours Parisculteurs 1 de 2016, programme incluant un soutien et une préparation préalable des collectivités :

  • 43 sites sont proposés pour des projets agricoles ou végétalisation
  • 29 sont officiellement installés ou en cours d’installation début 2019
  • 17 sont réellement installés début 2019

Ceux qui sortent du lot dans ce concours sont des associations qui valorisent au maximum les ressources locales pour créer un projet sur-mesure pour le quartier, ou à l’inverse les entreprises qui se spécialisent dans une seule technique, une seule technologie qu’ils développent sur un maximum de toiture pour obtenir des économies d’échelle.

A lire également