Coordonner la production des maraîchers périurbains pour alimenter les villes : un modèle quantitatif global (Flores & Ahumada, 2019)
A l’heure où de nombreuses collectivités, de nombreux territoires se posent la question de l’approvisionnement local, à travers un projet alimentaire territorial (PAT) ou autre mise en œuvre de la loi Egalim, les modèles quantitatifs offrent de belles perspectives pour aider à la prise de décision.
Exemple avec cette recherche de Hector Flores et René Villalobos, publiée en 2019 dans European Journal of Operational Research : A stochastic planning framework for the discovery of complementary, agricultural systems.
Ces chercheurs en Recherche Opérationnelle proposent un modèle de coopération entre producteurs pour combiner différents types de systèmes de production agricole afin d’alimenter les villes.
La force de ces modèles est d’intégrer les différentes composantes de la chaîne logistique pour développer des systèmes agricoles et alimentaires viables.
Rassembler une offre dispersée et diversifiée
Comme dans de nombreuses métropoles, on cherche à alimenter en produits frais de proximité les centres urbaines. Mais l’offre est dispersée sur une multitude d’exploitations diversifiées en périphérie des villes. Une dispersion qui rend la logistique coûteuse et complexe à mettre en oeuvre pour acheminer les produits.
L’idée de Flores et Ahumada est de coordonner les productions des producteurs alimentant ces métropoles pour optimiser l’approvisionnement 1) des marchés locaux qu’ils alimentent, 2) des métropoles elles-mêmes.
Pour ça, ils misent sur la diversité des terroirs (sols, températures, précipitations) et des structures d’exploitations pour disposer de produits locaux toute l’année.
Leur modèle vise à garantir
> plus de gain pour les agriculteurs impliqués,
> plus de produits locaux à prix maîtrisé pour la collectivité.
Le modèle mathématique/informatique
Le modèle est complexe, tant dans sa formulation que dans sa résolution, du fait du nombre de paramètres, de variables et de contraintes prises en comptes. Mais il est traduit bien les enjeux des situations réels.
Pour simplifier, les auteurs combinent 2 niveaux de modélisation. Un premier avec les paramètres stratégiques estimés connus (montant d’investissements, surfaces, équipements de production, etc.). Un second niveau de décision avec les éléments variables tels que prix de marchés, températures, précipitations, etc.
L’objectif général du modèle (la fonction objectif à optimiser dans le modèle) est minimiser les couts d’investissements productifs dans les différentes régions.
Autrement dit, comment répondre aux enjeux d’approvisionnement local avec les exploitations existantes en limitant l’investissement global.
Je vous passe les détails des sous-problèmes et méthodes de résolutions qui ne manquent pas de charme pour les amateurs de maths et d’optimisation. Notons que les auteurs utilisent des modélisations déterministes (tous les paramètres considérés connus) ou stochastiques (avec une part d’aléatoire et d’incertitude qui prend en compte les inconnues de marché, de rendement, de prix, …).
Un exemple d’application aux USA
Parmi les régions d’application, test et validation du modèle, les auteurs se concentrent sur Phoenix (Arizona) et Albuquerque (Nouveau Mexique), des régions à la population urbaine dense et aux forts contrastes de températures et précipitation. D’autres régions sont inclues dans le projet, soit pour leur typicité de production (zone spécialisée en laitue par ex) ou par la présence de hubs logistiques permettant d’alimenter les villes.
Le modèle est utilisé pour estimer le potentiel de production de trois légumes : poivron, laitue romaine et tomate.
En se basant sur 30 ans de données météo et agricoles, les chercheurs ont pu modéliser différents scénarios de production dans les sous-régions étudiées (en utilisant un modèle de simulation de rendement selon les données climatiques et les spécificités des différents terroirs). 20 ans de données prix de marché ont de la même façon permis de définir plusieurs scénarios d’évolution des prix sur l’année.
Là encore, je vous passe la finesse de l’analyse et de la modélisation décrits dans le document, mais c’est beau !
Résultats
De nombreux indicateurs technico-économiques sont produits en sortie de l’optimisation. Parmi les plus intéressants pour les collectivités et les groupements d’agriculteurs, notons :
- Un planning de plantation sur les différentes exploitations, en tenant compte des demandes, des caractéristiques pédo-climatiques de chaque région et des structures d’exploitation.
- Un planning de production qui en découle pour l’approvisionnement des aires urbaines et des marchés locaux.
Ces outils peuvent être une aide précieuse et concrète (modèles quantitatifs, avec des données réelles) pour aider à dimensionner les stratégies d’approvisionnement local.
Plus d’infos sur les apports de la recherche opérationnelle pour les systèmes agricoles et alimentaires :